Les routes de la compassion sont celles empruntées par notre Quatorzième Dalaï Lama, il montre le chemin de l'amour sans limite.
C’est en Inde, à une centaine de kilomètres seulement du Tibet, que le Dalaï Lama a élu domicile. Aux pieds des pics himalayens, dans une paisible bourgade, Dharamsala, connue maintenant dans le monde entier !
Voici une journée type du Dalaï Lama, elle pourra peut-être vous sembler simple mais peu de nous tiendraient à ce rythme. Sa sainteté le Quatorzième Dalaï Lama se réveille à trois heures et demie du matin. Il commence par la prière et la méditation. Peu importe l’endroit et les circonstances, le chef spirituel et temporel du peuple tibétain médite pendant quatre heures, c’est avant tout une prière profonde pour le bien de tous les êtres. Dans sa chambre simple, rien des riches décorations des temples tibétains, un petit autel sur lequel sont déposés une statue de Bouddha, les photos de ses maîtres spirituels et des textes sacrés. Vers six heures, tout en écoutant les informations, il prend son petit déjeuner de bon appétit, car comme tout moine bouddhiste, il ne mange pas le soir. Il continue ensuite à méditer jusque huit ou neuf heures. C’est dans sa méditation qu’il trouve la force de poursuivre son activité en faveur de la cause tibétaine. Lorsqu’en 1989 il reçut le prix Nobel de la paix, les journalistes s’empressèrent tôt le matin pour obtenir la primeur des réactions du maître, mais ils se heurtèrent à son fidèle assistant depuis trente ans, qui leur apprit qu’il n’était pas encore au courant, il ne voulait pas le déranger pendant ses prières ! Incroyable Sainteté !
Vers neuf heures, il rejoint son bureau s’il a des gens à voir sinon il travaille sur les textes. Il relit les écrits qu’il a étudiés par le passé et approfondit les commentaires des grands maîtres des différentes écoles du bouddhisme tibétain. Jusque dix-sept heures, il s’occupe des affaires courantes, il rencontre les élus du peuple, les ministres du gouvernement en exil et reçoit des visiteurs. Vers dix-huit heures il prend le thé et s’il a vraiment un creux au ventre, il demande la permission au Bouddha et croque quelques biscuits. Ensuite viennent les prières du soir et il se couche vers neuf heures.
Pour voir le Dalaï Lama, même une seule fois dans leur vie, des Tibétains avec leurs enfants ont franchi des cols enneigés à plus de cinq mille mètres d’altitude. Certains ont dû se faire amputer les orteils car ils avaient gelés en route, mais maintenant face à Sa Sainteté, ils sont au comble du bonheur, essaient tant bien que mal de maitriser leur émotion pour répondre aux questions du Dalaï Lama qui s’enquiert de leur épopée et aussi de la situation au Tibet.
Il règne dans cette résidence un calme bienfaisant, on y parle à voix basse, conscient de la vanité des paroles inutiles. Ce silence d’or ne s’éclaire que lorsque jaillit en cascade le rire bienveillant de Kundun, « la présence » comme les Tibétains appellent le Dalaï Lama avec tellement de respect et d’amour. Parfois son rire joyeux fait place à un sourire énigmatique, surtout lorsqu’il entre en retraite pour plusieurs semaines. Pendant cette période ses seuls mots sont des prières, et il ne communique que par gestes ou par écrit.
Ce type de journée n’est plus du tout de mise, lorsque Sa Sainteté sillonne l’Inde et le monde entier pour y dispenser ses enseignements. Il s’adresse à des centaines de milliers de fidèles, sa vie devient alors un tourbillon, entre les conférences, les voyages, mais il reste encore et toujours cet infatigable pèlerin de la paix. Ses moments de répit se comptent en minutes, mais Kundun conserve la même sérénité et la même sincérité. Devant chaque personne croisée, il est immédiatement présent avec un regard de bonté débordante qui pénètre dans votre cœur pour y déposer un sourire et s’en aller discrètement. Lors de notre voyage au Ladakh, j’ai vécu cette expérience qui restera à jamais gravée au fond de moi. Il n’y a pas de mots pour décrire ce bonheur intense !
Pourtant sa bonté n’est pas faiblesse, il sait à tout moment reprendre son combat pour la cause du Tibet. Il a déclaré à Paris : « Mon combat pour le peuple tibétain n’est pas de ces batailles à l’issue desquelles il y a un vainqueur et un vaincu ou, plus souvent deux vaincus : ce que je m’efforce d’obtenir de toutes mes forces, c’est la victoire de la vérité. » Tout cela n’exclut en rien son humour et sa simplicité. Il peut très bien sortir du bureau d’un président ou d’un ministre et s’empresser d’aller serrer la main du portier dans sa guérite, de l’hôtesse d’accueil derrière sa vitre, voire donner une grande tape dans le dos d’un garde républicain figé dans son superbe uniforme, médusé mais ravi que quelqu’un le traite comme une personne.
Son message est : « toute personne, même hostile, est comme moi un être vivant qui redoute la souffrance et aspire au bonheur, elle a tous les droits d’être épargnée de la souffrance et d’obtenir le bonheur. Cette réflexion nous amène à nous sentir profondément concernés par le bonheur d’autrui, notre ami comme notre ennemi. C’est la base d’une compassion authentique. »
Ce pouvoir inexplicable de la compassion transparait dans ses rencontres impromptues. En sortant d’une réunion avec des étudiants de l’université de Bordeaux, il traversait la foule compacte de ceux qui n’avaient pas pu trouver de place dans l’amphithéâtre. Un vieux couple se tenait à l’écart n’osant se mêler à la bousculade : le mari était debout derrière sa femme en fauteuil roulant. Le regard sans cesse en alerte de Kundun se posa sur eux. Il fendit la foule pour aller prendre les mains de cette femme dans les siennes, la regardât en souriant, sans prononcer d’autres mots que les indicibles paroles de l’amour sans limites.
Quand on lui demande pourquoi il suscite de telles réactions de sympathie, il répond : « Je n’ai aucune qualité spéciale. Peut-être est-ce le résultat du fait que toute ma vie j’ai médité de toute la force de mon esprit sur l’amour et la compassion ».
Maintenant à nous de méditer sur les routes de la compassion !