Des vingt-deux princes, Liêu est dix-huitième. Orphelin de mère depuis son enfance, il connaît la vie solitaire. Pendant que ses frères poursuivaient par quatre chemins leur objectif, Liêu restait chez lui à ne rien faire. Personne ne lui est venu en aide. La compétition a lieu dans trois jours seulement qu’il n’a aucune recette en mains. Cette nuit-là, le bras en travers de son front, Liêu repasse en mémoire les festins copieux auxquels il avait pris part jusqu’à présent. A force de réfléchir, il s’endort à son insu. Il voit en rêve lui-même et ses vingt et un frères concourir à faire un gâteau. Chacun s’enferma dans sa cloison, construite pour la compétition. Ne sachant pas trop par quoi commencer, il vit une fée descendre du ciel et venir auprès de lui pour l’aider.
Rien dit-elle n’est plus grand que ciel et terre, et rien n’est plus précieux ici-bas que le grain de riz. Nous allons confectionner pas plus de deux gâteaux significatifs. Amasse-moi ces grains de riz gluant et cherche-moi aussi du soja. Du coup, Liêu vit la fée sortir l’une après l’autre des feuilles vertes et larges.
Ce gâteau symbolise la terre, laquelle renferme arbres, rizières, montagnes et forêts et est représentée par la couleur « vert » et la forme carrée. Dans le gâteau, il y a du soja et de la viande signifiant que la terre porte en son sein animaux et arbres…Du riz gluant bien pilé et tassé autour représente le ciel ; il doit être blanc, consistant, arrondi et courbe vers le dessus…Au réveil, Liêu se mit à confectionner le gâteau qu’il avait vu en rêve.
Le jour où les princes étaient au rendez-vous avec leurs recettes culinaires en compétition donna à Phong Châu une animation inaccoutumée. Il y eut grande affluence. La foule vint de toutes les directions pour assister à une fête comme il n’y en avait jamais eue. On débuta par une compétition culinaire et clôtura par la cérémonie d’intronisation royale.
Juste au lever du soleil, le roi Hung, porté en palanquin, vint sur le lieu officier la cérémonie des offrandes faites aux aïeux. Le dispositif rituel composé de gongs, de tambours, d’oriflammes et d’éventails d’apparat avec leurs sons et couleurs étourdissait et éblouissait l’assistance. Celle-ci attendait le moment de la délibération du jury. Ce moment vint. Il se trouva que les plats recherchés de l’ordre de : crudités de paon, pâtés de phénix, paumes d’ours, foie de rhinocéros ne valaient pas les deux sortes de gâteaux rustiques préparés par Liêu. Au premier abord, à la vue du char compétitif de ce dernier, la plupart des assistants avaient fait la moue de raillerie. Mais après la dégustation, on hochait la tête d’admiration.
Une saveur extraordinaire à partir de matières ordinaires, apprécia le Président en se frottant les mains.
Le roi Hung, pour sa part, s’enthousiasma du morceau qu’il venait de goûter pour la première fois. Il tourna et retourna en les regardant de près les gâteaux entiers. Il fit venir Liêu près de lui et lui en demanda la recette. Liêu exposa au roi ce qu’il avait fait en n’omettant pas de relater le singulier songe qu’il avait fait.