LE KAMA SUTRA
La civilisation qui expérimenta le déni du monde le plus rigoureux dans sa quête de vérités suprêmes nous a également offert un riche portrait de la vie dans le présent ! Le symbole le plus connu en est le Kama Sutra, attribué à Vatsyayana aux alentours du 1er siècle avant Jésus-Christ. Bien qu’il soit surtout célèbre pour les positions sexuelles dont il dresse la liste, ce manuel s’intéresse en réalité davantage aux relations entre hommes et femmes.
Le Kama sutra n'est d'ailleurs pas seulement consacré au sexe, mais traite également des manières et arts de vivre qu'une personne cultivée se devait de connaître. Il aborde par exemple l'usage de la musique, la nourriture, les parfums.
La société dans laquelle le Kama Sutra fût rédigé était dominée par les hommes de la classe supérieure. Son lectorat visé se composait donc d’hommes du monde, cultivés. Néanmoins le texte fait preuve d’une ouverture et de nuances remarquables dans son approche des problèmes de comportement entre les sexes. Il semble certes, guider les hommes dans leur approche des femmes, mais il délimite également les émotions subtiles et changeantes qui marquent ces relations. Il reconnait clairement l’autonomie des femmes et leur esprit d’initiative ; du reste, certains conseils prodigués aux hommes impliquent la possibilité que les femmes sachent mieux juger les individus et soient plus à même que les hommes d’adopter le comportement adéquat (de façon intuitive).
Le Kama Sutra indique que les hommes ont d’autres priorités dans la vie que les conquêtes sexuelles : il leur faut s’ouvrir à la poésie, à la musique, s’intéresser à la mode, et même à l’hygiène personnelle. Ce texte révèle tout un monde de sophistication urbaine, dans lequel les hommes et les femmes sont en permanence engagés passionnément par chaque fibre de leur corps et de leur âme. Vatsyayana, ou les nombreux auteurs identifiés sous ce nom, recommande une vie remplie de plaisir et de délices esthétiques. Mais il n’est pas un homme dissolu, avide de sensations.
Pour lui le mariage constitue la relation idéale, mais un mariage dans lequel le plaisir physique est une saine présence. Il ne sait pas précisément à quel moment une relation devient immorale ; il guide les hommes à travers la réalité des tentations sociales tout en leur indiquant à quel moment ils risquent de transgresser un code moral. En recommandant le mariage, il situe habilement les plaisirs et la sensibilité dans un code de responsabilité sociale et de comportement adéquat plus digne -en un mot, le dharma (l’ordre moral). Il revenait ensuite à ses successeurs d’interpréter l’importance relative du plaisir et de la morale dans leurs propres vies. Le Kama sutra, nous brosse le portrait de la vie dans l’Inde ancienne, un portrait joyeusement matérialiste, mais situé au sein d’un cadre complexe, lui-même renvoyant à une vision spirituelle austère et de grande ampleur.