Ces novices ont un emploi du temps chargé. Dès cinq heures et demie donc, ils commencent la journée par des prières récitées en commun. Puis, ils prennent le petit déjeuner qui consiste en du thé salé et de la farine d’orge grillé, la célèbre tsampa, ou parfois du riz au piment. Puis ils vont à leurs cours. En dehors de quelques pauses, à l’heure du déjeuner et du thé de trois heures, ils étudient jusqu’à la nuit tombée. L’apparente rigueur de leur discipline n’empêche pas ces enfants de manifester une joie de vivre et une vigueur peu commune. Comme tous les gamins du monde, ils s’en donnent à cœur joie durant les pauses. Mais il règne toujours dans l’ardeur de leurs jeux une camaraderie et une douceur qui contrastent avec les aspects parfois violents des cours de récréations occidentales. Les bagarres, très rares, sont considérées comme des aberrations. L’école élémentaire dure six ans.
Ensuite, pendant deux ans, les enfants apprennent les rituels, la musique et les danses sacrées. Puis, vers l’âge de quinze ans, les adolescents font un choix important, en accord avec leurs maîtres d’étude et l’abbé du monastère. Ils peuvent rester dans les rangs de la communauté monastique principale et participer aux diverses activités liturgiques et artistiques, ou rejoindre le collège philosophique. Il leur arrive de quitter le monastère pour la vie laïque, car on ne prononce les vœux monastiques qu’à l’âge de vingt ans, ce qui leur laisse amplement le temps de choisir l’orientation de leur existence. Parallèlement à l’éducation élémentaire et aux études philosophiques, il y a sur le plan purement spirituel, trois types d’enseignements et de transmission spirituelle. Tout d’abord, les initiations qui ont pour objet de donner au disciple la permission et la capacité de pratiquer les diverses techniques de méditation. Selon le niveau spirituel de l’enseignement qui est transmis, ces initiations sont données soit à un large groupe, soit à quelques disciples. Viennent ensuite les explications des pratiques contemplatives et les commentaires des textes correspondants. Enfin, le maître donne des instructions personnelles adaptées aux besoins et aspirations de chaque disciple. Ces trois formes d’enseignements éminemment spirituels supposent à l’évidence qu’un maître spirituel authentique soit présent au monastère.
Le monastère comporte généralement une bibliothèque qui peut contenir des milliers de volumes. Au Tibet, la majeure partie des livres a été détruite lors de la révolution culturelle. Certains textes ont totalement disparu, d’autres n’existent plus qu’en quelques exemplaires. Les monastères construits en terre d’exil se sont souvent donnés pour tâche de préserver les manuscrits anciens qui ont pu être sauvés et de réimprimer les textes importants afin de les rendre accessibles à tous.
Le grand monastère de Shéchèn comprend également une école d’arts traditionnels où sont enseignées la peinture, la fabrication des masques et de l’encens, et la confection des costumes. Sous l’inspiration du dalaï lama, un bon nombre de monastères se consacre maintenant à diverses actions humanitaires, construisent des dispensaires et des écoles pour les populations locales. Quel bel exemple de solidarité les pauvres aident les plus pauvres encore.
Le second centre d’activité majeure d’un monastère est le collège monastique au sein duquel les moines, ou les nonnes entreprennent des études philosophiques qui durent de 9 à 15 ans selon les établissements. On y enseigne la grammaire, la poésie, l’histoire, et la logique. Au terme de leurs études, ils ou elles se consacrent à leur tour à l’enseignement assumant parfois des postes de haute responsabilité. D’autres choisissent la voie contemplative.
Le centre de retraite est le troisième volet de la vie monastique. Dans un lieu tranquille, propice à la contemplation, ermitage de montagne ou solitude de la forêt, les moines ou les nonnes devenus ermites s’engagent dans une vie méditative qui couronne leur formation spirituelle. Le but du chemin est d’atteindre l’éveil. Ce n’est pas une démarche égoïste et ce n’est qu’après avoir acquis une force intérieure suffisante que l’ermite revient dans le monde pour partager non seulement un savoir intellectuel mais une expérience profonde de la nature de l’esprit. Se transformer soi-même est la seule façon de transformer le monde de manière éclairée. L’ermitage offre une voie de transformation qui mène à la cessation de la souffrance et à la découverte du bonheur inaltérable pour autrui et pour soi-même.